Promouvoir le label « étudier au Sénégal » : c’est le principal message que le ministre de l’Enseignement supérieur, Mary Teuw Niane, a tenu à livrer en initiant une visite des chantiers de l’université de Dakar, Thiès, Diourbel, Ziguinchor et Saint-Louis. Malgré le retard de quelques chantiers et les difficultés notées au niveau des œuvres sociales, Mary Teuw Niane, tente de rassurer sur le bien-fondé de ces réformes initiées pour l’élargissement de la carte universitaire et émet des

perspectives favorables pour la rentrée universitaire prochaine. Entretien.

Vous venez de finir une tournée d’inspection des chantiers de l’université qui vous a mené dans les régions de Dakar, Ziguinchor, Diourbel, Thiès et Saint-Louis. Quel bilan en tirez-vous??

J’en tire un bilan très positif parce que le défi est énorme. Il est à la fois de mettre en œuvre des réformes qui sont pour beaucoup immatérielles, car touchant à la réglementation, aux lois, à l’administration, de mettre en place des réformes qui amènent la mise en place d’infrastructures importantes parce qu’il faut imaginer simplement sur 5 ans, entre 2012 et 2017, ce sont 302 milliards que l’État du Sénégal investit en infrastructures et équipements dans l’Enseignement Supérieur. Et si nous comparons de 1960 à 2012, on a investi moins de la moitié. Donc, ce défi énorme du président de la République, Macky Sall, il faut le mettre en œuvre dans le cadre d’une carte universitaire que nous cherchons à élargir. L’objet de cette tournée, c’était de regarder ce qui se passe dans les universités existantes avec juste quelques structures nouvelles que sont l’Isep (Institut supérieur d’enseignement professionnel) de Thiès et quelques Eno (Espace numérique ouvert), mais le reste ce sont les cinq universités existantes. Nous avons regardé ce qui se passe au niveau des infrastructures et je peux dire qu’à 90 % les chantiers marchent bien. Il y a 10 % pour lesquels, il y a des difficultés. Nous avons eu à mettre le doigt sur les problèmes et ensuite, à donner les instructions pour que les difficultés que nous avons rencontrées puissent être levées. Je peux vous dire par exemple aujourd’hui que j’ai reçu un message du gouverneur de Kolda avec des photos sur le centre délocalisé de Kolda dont les travaux viennent de démarrer. Donc, il y a une avancée à ce niveau-là.
Le deuxième aspect, ce sont les équipements scientifiques, qui sont très importants, si nous voulons professionnaliser nos formations et surtout que les jeunes qui y sont formés aient les compétences requises. Là, il y a un effort conjugué des universités à travers leurs contrats de performance qui ont acheté les équipements. Le ministère, lui-même, a acheté des équipements dans le cadre du programme du président de la République d’équipements et de constructions de 100 salles de Travaux-pratiques (TP). Nous avons bien vu que les équipements sont en place et correspondent aux filières diversifiées que les universités sont en train de mettre en œuvre. L’autre aspect, sur lequel nous avons pu toucher du doigt sur ce que font les universités, c’est le service à la communauté et l’entrepreneuriat. À Dakar, nous avons visité l’incubateur Innodev, à Ziguinchor, nous avons pu voir tout le travail qui est en train d’être fait avec le Biogaz. Au niveau de Bambey, nous avons vu le château d’eau et le centre médico-social qui va être implanté dans le quartier.
À Thiès, il y a beaucoup d’initiatives. Beaucoup d’entreprises ont construit ou réhabilité des salles de classe. À Saint-Louis, nous avons vu ce que fait l’UFR agro avec la synthèse des huiles essentielles et aussi l’UFR santé, avec le centre de drépanocytose. Il y a beaucoup de choses qui bougent dans les universités où les recteurs, les enseignants chercheurs, le personnel administratif, les étudiants, travaillent à amener ces idées nouvelles qui feront que notre université soit au service de la société. Il y a l’Université de Dakar, qui est l’université mère, l’Université Gaston berger, la deuxième et les universités de troisième génération, où des efforts sont en train d’être fait. Mais il y a sans doute un rattrapage à faire pour que toutes ces institutions soient au même pied.

Par rapport à ces innovations, où en sont les chantiers de l’Université du Sine Saloum et Amadou Moctar Mbow??

Pour ce qui est de Amadou Moctar Mbow, nous sommes au niveau du complément d’étude géotechnique et de la production de ce que l’on appelle les micros pieux. Pour ce qui est de Sine Saloum, le marché est fait, il reste la signature de la convention de financement que nous attendons d’un moment à l’autre.

Comment est-ce que vous appréhendez la prochaine rentrée universitaire??

Nous l’appréhendons avec beaucoup d’optimisme parce que beaucoup de questions importantes ont été réglées. Je pense à l’équilibrage du budget des rectorats des universités. Une décision importante a été prise par le Président de la République lors du dernier Conseil des ministres dans le cadre de la loi de finance initiale, pour ce qui est des infrastructures et des équipements. Je crois que les avancées que nous avons vu vont permettre aux uns et aux autres à la fois d’avoir de nouvelles infrastructures que celles qui sont déjà livrées. Et pour celles qui ne le sont pas, d’être patients en sachant que l’effort est en train d’être fait et que ceci devrait nous permettre de passer le cap. Vous avez vu que l’année dernière, les bourses ont été régulièrement payées, de novembre à juillet, à la fin de chaque mois. Cette année aussi, ce sera exactement la même chose. Nous insistons pour que les facultés puissent donner les résultats à temps pour permettre aux étudiants de pouvoir recevoir leurs bourses à temps. Nous avons des questions délicates au niveau des œuvres sociales qui sont des questions de financement. Aujourd’hui, nous avons tenu une réunion avec le Directeur du Coud et le Directeur du Crous et nous pensons que le gouvernement va apporter les solutions idoines pour nous permettre de passer ce cap.

L’université a été secouée par la visite du président de la République qui a essuyé des jets de pierres. Où en sont les dossiers de ces étudiants qui ont été arrêtés??

Vous savez que le ministère de l’Enseignement Supérieur n’a pas de prise sur ce type de chose. Ce sont des dossiers qui se trouvent au niveau de la justice. Dès lors que ce sont des questions de justice, mon attitude c’est de prendre une distance par rapport au judiciaire.

Est-ce que ces étudiants risquent l’exclusion de l’Enseignement Supérieur??

Cela concerne les universités. Elles ont une autonomie qui font qu’elles ont un certain nombre de pouvoirs qui ne relèvent pas de l’Enseignement supérieur, mais de l’université, elle-même, qui est concernée. Chaque université est régie par un texte sur les franchises universitaires, un texte aussi sur les questions disciplinaires concernant à la fois les étudiants, mais qui peuvent aussi concerner les enseignants et les autres personnels. Il y a des organes dans chaque université chargée de ces décisions.

Où en est l’application des mesures issues des concertations menées par Souleymane Bachir Diagne??

Vous savez les concertations nationales ont mené à 78 recommandations. Et le président de la République, le 14 août 2013, a pris 11 décisions qui sont issues de ces concertations qui constituent pour nous le plan d’action que nous sommes en train de dérouler et la tournée que nous avons eu à faire est un des aspects de vérifier l’état d’exécution de ces décisions. Dans cette tournée, nous nous sommes occupés de plusieurs décisions. La première concerne la réorientation vers les sciences de l’ingénierie, les mathématiques et les formations professionnelles courtes. C’est dans cela que nous avons la construction des Isep, l’équipement des laboratoires, la construction des 100 salles de Travaux pratiques. Nous avons aussi eu à voir la deuxième décision qui concerne l’amélioration de l’utilisation des techniques de l’information et de la communication. Nous avons dans beaucoup d’universités vu le réseau informatique et tous les programmes que développent ces universités autour de l’informatique. Nous avons aussi vu l’extension des universités qui concerne la décision sur l’extension de la carte universitaire. Nous avons vu aussi la décision sur les œuvres sociales avec les améliorations qui y sont. Nous avons aussi pu voir la décision sur la gouvernance. D’ailleurs, la manière dont nous avons constitué la délégation qui a fait la tournée est à l’image de ce que veut le président de la République puisque les syndicats étaient invités et ont participé, de même que les étudiants, les parents d’étudiants, l’Assemblée nationale et le Conseil économique social et environnement. Nous avons aussi eu à discuter de la question des Personnels administratifs et de services (Pats) et j’ai promis d’ailleurs de les recevoir dès mon retour de tournée. Vous avez du remarquer que les laboratoires de langues sont modernisées en commençant par Dakar. Dans les décisions, il est dit qu’il faut rendre obligatoire l’anglais pour que l’étudiant lorsqu’il obtient sa licence puisse suivre ses cours de master indifféremment en français ou en anglais. En visitant Dakar et Ziguinchor, nous avons touché plusieurs de ces aspects en commençant par valoriser le label étudier au Sénégal, et deuxièmement, mettre l’université aux standards internationaux. Puisque, ces deux étudiants qui ont été reçus à l’école Polytechnique de Paris ont passé leur bac au Sénégal, leur première et deuxième année universitaire en mathématiques au Sénégal et ils ont réussi à ce concours international ouvert à différents pays. Cela montre comment le niveau de nos études est relevé. Tout n’est pas encore parfait, mais nous sommes sur la bonne voie. Nous sommes dans l’exécution de ces 11 décisions. Nous avons mis de côté quelque chose d’important. Comme nouvelles infrastructures, nous n’avons pas encore visité les chantiers de l’université Amadou Moctar Mbow, ni celui du Sine Saloum El Hadji Ibrahima Niasse, ni la cité du Savoir et les 12 chantiers d’Eno qui sont en cours, ni aussi les chantiers en cours pour les Isep de Diamniadio, de Bignona, Richard Toll et Matam. Nous n’avons pas encore parcouru les chantiers des réformes immatérielles. Il y a la loi relative aux universités, il y a la réforme des titres pour les enseignants du supérieur, il y a la réforme des centres des œuvres universitaires avec la création des centres régionaux des œuvres universitaires, il y a les textes sur la mobilité des personnels des étudiants et des Pats. Il y a beaucoup de textes en cours qui vont être la chair, le sang dans lequel il y aura les équipements pour que ce renouveau de l’enseignement supérieur puisse non seulement naître, mais aussi perdurer.

Vous initiez beaucoup de réformes pour l’enseignement supérieur au Sénégal. Qu’aimeriez-vous que la postérité retienne de vous en tant que ministre??

Franchement, je n’ai pas réfléchi à cette question. J’ai réfléchi à une chose, c’est que le président de la République m’a fait confiance et j’ai le devoir de loyauté et de résultats. Ce que nous faisons, nous sommes convaincus que c’est ce qu’il faut pour que notre pays soit le plus grand pays d’enseignement supérieur et nous nous y attelons avec nos forces, notre intelligence et avec toute l’équipe autour de nous. Ce que nous faisons est une œuvre collective. Nous travaillons pour que ce qui est en train d’être fait puisse continuer quel que soit celui qui est à la tête de ce ministère.

Lala Ndiaye
Seneweb, 19 octobre 2015