Le projet de loi portant sur la réforme des titres du personnel enseignant des universités a fait l’objet d’un atelier de partage entre les recteurs, coordonnateurs, directeurs d’écoles et instituts et syndicats.
Le Sénégal dispose d’un système d’enseignement supérieur à fort potentiel humain capable de soutenir les efforts d’innovations du pays. Cependant, force est de constater que sa « modernisation sereine, réaliste et réfléchie » reste entravée par certaines dispositions de la Loi 81-59.

Parmi ces écueils, on peut noter une multitude de corps enseignants dont l’appréciation du niveau de qualification par la communauté universitaire internationale est jugée difficile, une faible progression des carrières des enseignants due à des phénomènes de blocage et qui nuisent à la fluidité dans le déroulement des carrières, etc.  Ce sont là quelques-uns des motifs qui sous-tendent le projet de loi portant sur la réforme des titres du personnel enseignant des universités. Ce document a fait l’objet d’un partage entre les différents recteurs, coordonnateurs, directeurs d’écoles et d’instituts et syndicats d’enseignants du supérieur. Pour rappel, cette réforme qui a pour objectif de supprimer les références anachroniques et obsolètes du statut du personnel enseignant des universités, était l’un des points d’accord  issus des négociations entre le gouvernement et le Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes).

Simplification des titres

Selon le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, cette réforme est « une grande innovation dans l’espace francophone, car apportant beaucoup d’innovations et de retombées dans le cadre de la réforme de notre enseignement supérieur ».

Le premier changement concernera la simplification des titres universitaires. Désormais, il y aura que trois corps : Assistants, Maîtres de Conférences et Professeurs. Le corps des Maîtres de Conférences comprend deux catégories : Maîtres de Conférences et Maîtres de Conférences assimilés. Dans le corps des Professeurs, on se retrouve également avec deux catégories : Professeurs titulaires et Professeurs assimilés.  Autre fait majeur : cette réforme va légaliser une pratique imposée par le déficit d’enseignants de rang A. En effet, jusque-là, seuls les Professeurs et les Maîtres de Conférences étaient en mesure de dispenser des cours alors qu’en réalité, 90 % de ces enseignements sont assurés, actuellement, par les enseignants dits de rang B. « Désormais, ces derniers pourront légalement, dans leurs charges horaires, faire des cours, étant entendu que ce sont les Professeurs qui sont responsables de l’encadrement, du suivi de certains enseignants », a clarifié le ministre. Mieux, avec cette réforme, ils pourront encadrer les étudiants jusqu’en Master et officialiser ainsi les encadrements qu’ils faisaient sous le couvert de collègues plus gradés. Ce qui implique, par ailleurs, que les étudiants auront un encadrement plus rapproché et effectif. Pour le chargé des revendications du Saes, Moustapha Sall, cette réforme des titres vient à son heure, parce que permettant de ne plus violer la loi 81-59 qui ne donne pas le droit aux Maîtres-assistants et aux Assistants de faire des cours magistraux. « Certaines dispositions de la loi 81-59 ne concernent que l’Ucad, les nouvelles universités avaient déjà anticipé sur ce problème. Au niveau international, les gens ne connaissent pas le titre de Maître-assistant. C’est anachronique. Ce qui, sur le plan de la mobilité scientifique, cause des préjudices aussi bien pour l’enseignant que pour la recherche », a-t-il déclaré.

Les critères de promotion restent les mêmes

Cependant, le ministre de l’Enseignement supérieur, comme le chargé des revendications du Saes, a souligné que cette réforme des titres est loin d’être une facilité offerte aux enseignants pour booster leur carrière. Le Pr. Mary Teuw Niane a assuré que le passage des grades et des titres reste régi par les listes d’aptitude du Cames ou par le concours d’agrégation. « Les critères pour la promotion des enseignants sont toujours là et s’alignent sur les critères internationaux. Les enseignants du supérieur constituent le seul corps dans lequel la promotion est régie par une structure autonome internationale, à savoir les comités consultatifs inter-universitaires du Cames », a-t-il précisé. En écho, Moustapha Sall a insisté sur le fait qu’à l’université, les carrières sont individuelles, c’est-à-dire que la promotion ne s’offre pas. « Avec cette réforme, celui qui veut être reclassé doit passer par le Cames. En termes de responsabilité scientifique, il faut que les enseignants fassent des efforts pour gérer leur carrière en faisant de la recherche et des publications », a-t-il insisté.

Elhadji Ibrahima THIAM
Le Soleil, 23 juillet 2015