Le Professeur Mary Teuw Niane, ministre de l’enseignement supérieur et de la Recherche a reçu Dakaractu dans son bureau. Durant l'entretien, le ministre est revenu sur les axes importants de la visite du président à l'Ucad, mais aussi de la réforme prochaine du système éducatif sénégalais entre autres sujets. Entretien...

DAKARACTU : Le président Macky Sall se rend demain à l’UCAD dans le cadre du lancement des travaux d’extension et de réhabilitation des universités publiques,

mais aussi du démarrage des travaux du programme de construction de 100 laboratoires de travaux pratiques. C’est la première fois dans l’histoire du Sénégal qu’un chef de l’Etat se déplace pour aller à la rencontre des étudiants à l’université. Vous, qui êtes le ministre de tutelle, pouvez-vous nous expliquer dans quel cadre s’inscrit cette visite ?

Mary Teuw Niane : Je crois que c’est une excellente chose, car le président Macky Sall est un pur produit de l’Université Cheikh Anta Diop. Il a fait ses études dans cette université de Dakar, à l’Institut des sciences de la terre. Ce qui veut dire qu’il sait et comprend ce qui peut être la vie d’un étudiant de l’Université Cheikh Anta Diop. C’est un président qui aime la proximité avec les populations et la masse la plus importante est composée de jeunes étudiants. Il vient s’enquérir de leur situation, mais aussi à travers les problèmes qui seront posés, sans doute, se projeter dans l’avenir. C’est un président qui a déjà pris des initiatives et il vient inaugurer certaines initiatives arrivées à terme ou en lancer de nouvelles. Nous avons le projet de gouvernance et du financement de l’enseignement supérieur axé sur les résultats à travers la réhabilitation de tous les grands Amphis de l’Ucad, de l’Amphi 7, de l’Auditorium, de l’Office du Bac et du Rectorat qui concerne aussi l’extension des autres universités Saint-Louis, Bambey, Ziguinchor et Thiès.

C’est un programme de 34 milliards qui a déjà démarré. Partout, il y a des chantiers en place, par endroits d’ailleurs, les fondations commencent à sortir de terre. Ce programme de 20 mois consistera pour Dakar, à réhabiliter ses amphithéâtres, les moderniser, les mettre à niveau et étendre les capacités d’accueil des autres universités.

Ensuite, il y a un deuxième programme qui est la création d’un plateau technique pour les formations en sciences et technologie, les formations dans les métiers ou les formations qui ont besoin d’expérience. Le président a mis la barre très haut, car c’est 100 salles de travaux pratiques réparties entre différentes universités, l’Ensa et l’Ecole polytechnique qui vont être construites.

A Dakar, l’Ucad va recevoir 31 salles et l’entreprise est sur place, les travaux ont déjà démarré et le président va lancer ce programme qui est jumelé à un autre programme d’équipement de laboratoires.

La troisième étape est l’inauguration de 1044 lits. C’était une promesse du président Macky Sall. Il avait promis de renforcer la capacité d’accueil des œuvres sociales au niveau de l’Ucad et cette inauguration est une première.

Enfin, cette visite est aussi une occasion pour le président de la République d’inaugurer la deuxième cité des enseignements à Mermoz. C’est un vieux chantier qui date de 2003 qu’il a pu terminer. C’est un chantier de 140 appartements qui seront livrés. Cela donnera un meilleur confort à nos enseignants chercheurs pour leur permettre de mieux travailler. C’est ça le programme de demain. Il y aura deux cérémonies au niveau de l’Ucad II : la cérémonie sociale au niveau du terrain de football de l’Ucad. Durant cette cérémonie, les étudiants auront la parole, les enseignants, le personnel administratif et de service aussi auront la parole.

Le président accorde beaucoup d’importance à l’écoute des acteurs, car de la réussite de cette action dépendront nos ressources humaines dans 5, 10 ou 20 ans. C’est à dire, l’avenir de la mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent (PSE).


DAKARACTU : Les étudiants attendent du président des réponses à des questions sur les conditions de vie et de travail à l’université. Quelles seront les solutions apportées par le président Macky Sall?

Mary Teuw Niane : D’abord sur la question de l’état de délabrement des pavillons, le président vient avec des solutions, puisqu’il lance les travaux de réhabilitation de ces pavillons là.

Pour ce qui est des lits, le président fera sans doute une grosse annonce autour de son programme d’urgence de construction de cités universitaires pour les universités existantes.

Ensuite, pour ce qui est des conditions d’études, vous avez vu que cette année, c’était exceptionnel. Pour la première fois, depuis plus de 30 ans, du mois de novembre au mois de février, nous avons payé les bourses même avant la fin du mois. Le mois de juillet n’est pas encore terminé, mais le gros lot a été payé aux étudiants. Il y a des rattrapages parce que comme vous le savez, à l’université Cheikh Anta Diop, il y a encore des étudiants qui s’inscrivent. Et c’est quand l’inscription est faite qu’on peut leur payer la bourse. Ceci va encore durer une ou deux années, mais par la suite, on sera dans des situations normales, comme le souhaite le président de la République.

L’autre aspect, c’est les nouvelles bourses. Vous savez que cette année, les bourses d’excellence nationales ont été créées. Les bacheliers qui arrivent à l’université avec la mention Bien et Très bien, ont une bourse de 60 000 F Cfa par mois. Nous venons de lancer les appels à candidature pour deux types de nouvelles bourses : les bourses de mobilité qui concernent les étudiants en Master II et les étudiants en Doctorat.

Un étudiant qui est au Sénégal, qui a un stage, ou qui veut être encadré ou faire une formation complémentaire, a la possibilité d’avoir une bourse de deux jusqu’à 10 mois pour pouvoir faire l’aller et retour et revenir soutenir au Sénégal. L’autre, c’est les bourses en alternance pour le Doctorat pour lesquelles nous venons aussi de lancer l’appel à candidature.

Cela veut dire que les étudiants n’auront plus besoin d’aller en Europe, y rester 3 ans, ils vont rester 6 mois au Sénégal et les 6 mois restants, ils iront en Europe, en Amérique ou en Asie dans des équipes avec lesquelles travaillent leurs encadreurs. Ce qui leur permet de bouger et régler les questions qui les intéressent et de revenir dans leur université d’origine pour pouvoir renforcer le capital en chercheurs et renforcer le nombre de publications de nos universités. Quand les doctorants vont à l'étranger et y restent, tout ce qu’ils publieront sera comptabilisé pour le compte de l’université étrangère. Or, nous voulons que l’université de Dakar comme nos autres universités, obtiennent de meilleures places dans le classement mondial. Et pour ce faire, il faut que les publications de nos doctorants et enseignants soient au nom de nos universités.

Vous avez déploré la semaine dernière, le taux pléthorique du nombre d’étudiants au Sénégal (150 000); ce qui va rendre difficile la volonté de l’émergence. Est ce à dire que l’enseignement au Sénégal est à la traîne ?

Oui c’est vrai, nous sommes à la traîne. Et c’est pourquoi d’ailleurs, le président de la République qui comprend très bien le rôle des ressources humaines a, dès son arrivée au pouvoir, décidé de réformer le système. Le 6 Août prochain, les assises de l’éducation nationale prendront les mesures les plus hardies pour que notre système éducatif puisse rattraper les meilleurs du monde. Le niveau d’investissement en infrastructures et équipements au Sénégal pour les 5 années 2012-2017, (plus de 300 milliards) est plus du double des investissements consentis dans le même domaine en 50 ans. Cet effort montre que notre enseignement supérieur devrait titiller dans les 5 années ou 10 années à venir, l’équivalent de l’enseignement supérieur des pays émergents. Or l’expérience montre que tous ces pays ont un pourcentage significatif d’étudiants. Nous, notre taux est encore faible.  150 000 étudiants, c’est peu. Il faudra, dans les années à venir, que nous puissions atteindre la barre des 450 000 ou à 700 000 étudiants.

Mais cela est impossible monsieur le ministre, au vu des résultats catastrophiques qu’on a chaque année au baccalauréat…

Le président de la République va prendre des décisions après les assises du 6 août prochain. Des décisions qui seront appliquées par le ministère de l’éducation nationale, par le ministère de la formation professionnelle de l’artisanat et de l’apprentissage, mais aussi l’enseignement supérieur aura sa part dans les décisions qui seront prises par le président Macky Sall. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que c’est un système et que les décisions de réforme d’un système éducatif demandent de la patience. C’est une durée de 10 à 20 ans pour avoir l’impact complet. L’effet dans l’enseignement vient dans 13 ans après les études pré-bac. Il y a un gros programme de l’éducation nationale avec la réorientation vers la technologie et les formations professionnelles. Et il faut le dire, le profil des nouveaux bacheliers n’est pas un bon profil puisque plus 75 % des bacheliers sont issus de la série L. Ça devrait être l’inverse pour construire l’émergence. Le taux de bacheliers scientifiques diminue chaque année. Il faut, pour parer à cela, attendre les réformes qui seront à partir du primaire. Nous avons anticipé à notre niveau avec un futur planétarium à Diamniadio qui sera prêt dans 10 mois et nous pourrons aller pour lire, voir des films ou suivre des conférences ou même faire des expériences pour susciter l’amour des filières scientifiques.

Monsieur le ministre, pouvez-vous revenir un peu sur la mise en œuvre des décisions issues de la concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur (Cnaes) ?

Là, vous me posez un vaste chantier. C’est un programme de 10 ans, mais à l’heure actuelle, nous avons réalisé plus de 60 % ou 70% de ce qui a été prévu. Nous avons élargi l’accès en construisant de nouvelles universités, le renforcement de l’Université virtuelle du Sénégal, l’extension des universités existantes. Quasiment, tous les chantiers ont démarré. Ce sont les réformes institutionnelles et nous sommes aujourd’hui dans la dernière phase de ces réformes là. Un séminaire est prévu ce week-end même à M'bour, autour de l’autonomisation des universités. Il s’agira d’élaborer les textes et les budgets de tous les centres régionaux des œuvres universitaires et sociales. Pour permettre à toutes les universités du pays d’avoir des œuvres sociales de proximité et de mieux être à l’écoute des attentes des étudiants.

Sur le plan des Tics, le programme un étudiant un ordinateur a été démarré et on a distribué plus de 25 000 ordinateurs.

Sur le plan de l’internationalisation, nos universités brillent. Nous avons deux centres d’excellence. Le centre d’excellence du Sames pour la santé à la Fac de médecine de l’Ucad et le Mitic à Gaston Berger, le concours d’agrégation en médecine de l’année dernière a permis au Sénégal d’avoir 100%  d’admis; le Cames vient de se terminer, nos universités rentrent avec de très bons résultats et cerise sur le gâteau, nous avons deux de nos jeunes étudiants, l’un de licence 3 de Mathématiques de  l’Ucad, l’autre de licence 3 Mathématiques de Ziguinchor qui ont été reçus à la prestigieuse école polytechnique de Paris. Nous sommes dans une période de transition. Les nouvelles infrastructures ne sont pas encore là, mais font de l’effet, et l’ancien qui est toujours là est en train de perdre pied. Je suis convaincu que d’ici un an, la modernisation complète du système sera mise en place. Avec la décision de recrutement de 210 enseignants, en une année, je crois que les universités vont commencer à revivre et à se revitaliser. Il y a encore quelques difficultés sur l’équilibrage du budget de l’université qui est une question lancinante dans le secteur, même avec les efforts colossaux du ministre de l’Economie et des Finances. Mais nous arriverons à satisfaire les 2/3 des décisions du président de la République.

Dakar Actu, 31 juillet 2015